Depuis quatorze mois, les acheteurs s'étaient habitués à entendre "les taux baissent". Mais en ce début avril, le refrain change : les taux remontent discrètement. Selon le courtier Vousfinancer, plus de la moitié des banques ont modifié leurs grilles de taux à la hausse. Une dynamique qui pourrait bien rebattre les cartes pour les emprunteurs, même si les hausses restent modérées.
En mars, certains établissements proposaient encore des crédits à 2,99 %. Ce mois-ci, le taux moyen grimpe à 3,20 % sur 20 ans, et 3,40 % sur 25 ans. En cause ? Une remontée du taux d’emprunt d’État à 10 ans, alimentée par les tensions géopolitiques et les besoins massifs de financement des États européens. Cette situation soulève une vraie question : est-ce le début d’une nouvelle ère pour le crédit immobilier ou juste un soubresaut temporaire ?
Pourquoi les taux immobiliers augmentent (encore un peu) en avril ?
Depuis plusieurs semaines, le climat économique mondial est tout sauf serein. Fin février, la rencontre houleuse entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky à Washington a provoqué des turbulences immédiates sur les marchés financiers. Résultat : une envolée des indicateurs comme le Midswap 7 ans, et surtout une hausse notable des OAT à 10 ans, ces obligations d’État françaises qui influencent directement les taux des crédits immobiliers.
Julie Bachet, directrice générale de Vousfinancer, l’explique sans détour : « Une partie des banques a clairement répercuté la hausse du taux d’emprunt d’État à 10 ans, qui a atteint 3,50 % en mars. » Comme ces établissements se financent en partie sur les marchés, ils doivent ajuster leurs taux pour éviter de prêter à perte.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
- Sur 15 ans, les meilleurs taux oscillent autour de 2,92 % à 3,04 %
- Sur 20 ans, ils atteignent 2,99 % à 3,20 %
- Sur 25 ans, ils flirtent avec les 3,40 % dans certaines banques
La Société Générale, qui proposait en mars un taux choc à 2,99 % pour toutes les durées, a mis fin à son offre. Elle affiche désormais des taux allant de 3,20 % à 3,50 % sur 20 ans. Une évolution rapide, qui pourrait en inquiéter certains.
Les banques prêtent toujours… mais à qui ?
La bonne nouvelle, c’est que les banques n’ont pas fermé le robinet du crédit. Bien au contraire : elles continuent de se livrer une concurrence féroce pour capter les meilleurs profils. Ce jeu de taux variables crée de fortes disparités selon les dossiers.
Pierre Chapon, président de Pretto, rassure : « Certaines banques restent dans une logique d’acquisition de nouveaux clients. On observe des écarts importants entre les profils et les établissements. » Traduction : pour un même montant, les conditions peuvent fortement varier.
Exemple à l’appui : un couple avec 110 000 € de revenus nets et un apport de 345 000 € a pu décrocher un taux à 2,79 % sur 25 ans. Une économie de 18 000 € sur les intérêts par rapport à un taux standard de 3,04 %. Et ce n’est pas un cas isolé. Les primo-accédants, en particulier, tirent leur épingle du jeu grâce à l’élargissement du prêt à taux zéro (PTZ) depuis le 1er avril, désormais ouvert aux maisons individuelles neuves sur tout le territoire.
Une légère hausse, mais toujours des marges de manœuvre
Même avec cette remontée, les taux restent historiquement modérés. Rappelons qu’ils avaient dépassé les 4 % à l’automne 2023, avant de retomber grâce à la détente sur les marchés. Et le contexte actuel n’exclut pas une nouvelle baisse dans les semaines à venir si la conjoncture s’améliore.
Pour ceux qui ont emprunté au plus haut, l'heure est peut-être venue de renégocier. Un prêt à 4 % ou plus, pour un capital supérieur à 250 000 €, peut justifier une renégociation si l’écart avec les taux actuels dépasse 0,7 point. Et aucune loi n’impose un délai minimal pour engager cette démarche.
En clair, même si le vent tourne légèrement, il n’est pas encore temps de plier les voiles. La clé reste la comparaison active et la négociation. Les banques gardent une marge pour ajuster leurs offres en fonction des profils et des projets. Et dans cette guerre des taux, les emprunteurs avisés ont encore de belles cartes à jouer.
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