Entre 2005 et 2050, la population mondiale devrait croître de 40%. Autant de
bouches supplémentaires à nourrir, alors que l'urbanisation gagne sur les
campagnes. Le prochain défi mondial est résumé dans ce paradoxe : nous serons de
plus en plus nombreux et il y aura de moins en moins de terres arables. Ce défi
recèle des opportunités d'investissement, dont certaines résoudront ce problème.
Moins de nourriture pour une population toujours plus nombreuse
Ce postulat de départ a conduit à la création du nouveau fonds Agriculture de
Pictet, ouvert le 29 mai. "Il offrira aux investisseurs l'accès à des sociétés
cotées qui jouent un rôle pré pondérant dans la chaîne de production
alimentaire", explique la société. Avant de lancer un tel projet, les équipes de
Pictet ont étudié de près le domaine de l'agriculture.
Ainsi, selon l'ONU, nous serons plus de 9 milliards sur Terre en 2050, alors que
de multiples facteurs contribuent à la diminution des surfaces cultivées :
extension des zones urbaines, des réseaux de transport, changement climatique...
Déjà, pour la première fois, le nombre d'habitants en zone urbaine surpasse
celui des zones rurales. A ce rythme, il faudrait, d'ici à 2030, 1,2 million de
km2 de terres agricoles supplémentaires. Soit un tiers du territoire de l'Inde.
A cela s'ajoute la modification des habitudes alimentaires. "Il faut 7 kilos de
grains pour réussir à produire 1 kilo de viande", explique Gertjan van der Geer,
qui va gérer ce nouveau fonds. "Or, avec l'enrichissement des populations, la
consommation de viande et d'huile végétale s'accroît." Une tendance que confirme
le cabinet McKinsey : "Rien qu'en Chine et en Inde, environ 1,1 milliard de
personnes vont rejoindre la classe moyenne entre 2005 et 2025."
Enfin, Gertjan van der Geer pointe un dernier facteur qui contribue à réduire la
production agricole alimentaire : les biocarburants. Avec les programmes "verts"
des gouvernements, comme au Brésil et aux Etats-Unis, destinés à réduire la
dépendance au pétrole, leur culture devrait s'intensifier.
Face à ces contraintes, il sera donc primordial d'augmenter la productivité et
d'assurer une bonne distribution des aliments. Autant d'impératifs qui servent
de philosophie de base au fonds Pictet Agriculture. Contrairement à nombre de
ses concurrents, le fonds agriculture de Pictet n'investit pas dans les matières
premières, afin de ne pas spéculer sur ces denrées alimentaires. Ce n'est pas la
seule restriction qu'il s'est imposée.
Respecter l'environnement
Les gérants Gertjan van der Geer et Cédric Lecamp excluent les sociétés
fortement exposées aux OGM et évitent ce qu'ils appellent "des modèles
commerciaux contestables sur le plan environnemental". On ne détruit pas le
domaine sur lequel on travaille, expliquent-ils.
Concrètement, ils vont donc laisser de côté les projets qui touchent aux
écosystèmes fragiles, comme le bassin de l'Amazone.
Que reste-t-il alors ? Tout ce qui se passe autour de la production et du
transport.
Miser sur des pousses en pleine croissance
Gertjan van der Geer et Cédric Lecamp ont établi une définition bien à eux de ce
que recouvre l'univers de l'agriculture, du moins celui qui est destiné à
apporter des solutions dans l'avenir. Dans leur fonds se trouveront donc des
sociétés qui appartiennent à trois domaines spécifiques : les moyens de
production agricole, la professionnalisation du secteur et les prestataires de
services de la chaîne de distribution.
Explications. Par moyens de production, les gérants entendent tout ce qui peut
améliorer la productivité, comme les machines bien sûr, mais aussi les semences
de qualité ou encore les produits chi miques que sont les fertilisants. On
trouve alors des sociétés comme Kubota, Syngenta, Vilmorin, Mosaic, United
Phosphorus...
Derrière le concept de professionnalisation du secteur se cache l'idée de fermes
professionnelles qui, réunissant plusieurs exploitations, sont gérées par des
spécialistes, ont accès à plus de technologies et de matériel. Dans ce domaine,
on peut citer des entreprises telles que SLC Agricola ou Sanderson Farms.
Enfin, la chaîne d'approvisionnement regroupe tout ce qui est lié à la collecte
et au stockage des denrées, à leur transport et à leur commerce, à leur
traitement et à leur transformation, ainsi qu'aux activités connexes de contrôle
de qualité, de recyclage des déchets... Un secteur qui comprend des compagnies
aussi variées que Bunge, DryShips, Corn Products ou encore Neogen.
Bien que les matières premières soient exclues, cela laisse tout de même un
univers d'investissement possible de pas moins de 280 valeurs.
Ingrid LABUZAN
Article original