Ovation à Omaha : après plus d’un demi-siècle de règne sur la finance mondiale, Warren Buffett a annoncé ce week-end qu’il quitterait la direction de Berkshire Hathaway d’ici la fin de l’année. À 94 ans, l’« oracle d’Omaha » tire sa révérence en désignant officiellement son successeur, Greg Abel, déjà pressenti depuis 2021.
L’annonce, sobre mais historique, est tombée en clôture de l’assemblée générale annuelle de la société, devant quelque 18 000 actionnaires. « Le moment est venu pour Greg de devenir directeur général », a déclaré Buffett, fidèle à son style direct. Sa voix reste ferme malgré l’âge, sa mémoire intacte, ses convictions inchangées : investir avec patience, clairvoyance et discipline.
Greg Abel, 62 ans, actuel vice-président et ancien dirigeant de MidAmerican Energy, aura désormais les commandes d’un géant de plus de 1 160 milliards de dollars de capitalisation, fort d’un trésor de guerre inédit de 348 milliards de dollars en liquidités. Cet expert rigoureux de la gestion opérationnelle, à la réputation discrète mais solide, s’est dit prêt à perpétuer l’héritage, tout en apportant un style « plus actif ».
Buffett ne quitte pas pour autant entièrement la scène. Il conservera ses actions et pourrait continuer à jouer un rôle consultatif, bien que les contours restent flous. « Je pense que Berkshire a de meilleures perspectives avec Greg qu’avec moi », a-t-il lancé, déclenchant une salve d’applaudissements. Cette confiance affichée reflète aussi la volonté de rassurer : la transition est mûrie, préparée, sans rupture brutale.
La disparition récente de Charlie Munger, son alter ego de toujours, a sans doute accéléré la prise de décision. Ensemble, ils formaient un duo mythique, fusionnant humour, sagesse et vision à long terme. Sans lui, la scène paraissait incomplète. Buffett laisse néanmoins une machine bien huilée, ancrée dans une philosophie d’investissement fondée sur le bon sens : acheter des entreprises compréhensibles, rentables et bien dirigées.
Duracell, Geico, Coca-Cola, Apple, Bank of America : Berkshire Hathaway détient ou contrôle des dizaines d’actifs emblématiques. Depuis son arrivée en 1965, Buffett a offert à ses actionnaires un rendement deux fois supérieur à celui du S&P 500. Une performance exceptionnelle, bâtie sur l’analyse fondamentale, loin des modes boursières.
Avant de clore cette assemblée, Buffett a aussi adressé un message géopolitique inattendu, critiquant la guerre commerciale menée par Donald Trump. Pour lui, « le commerce ne doit pas devenir une arme ». Une ultime leçon, presque testamentaire, fidèle à son image de capitaliste humaniste.
À l’heure du passage de témoin, le monde de la finance rend hommage à un investisseur hors norme, mais surtout à une figure morale. Le départ annoncé de Warren Buffett ne marque pas seulement la fin d’une carrière : c’est la fin d’une époque.
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