Il voulait sa tête, puis a fait marche arrière. Le président américain Donald Trump a déclaré mercredi 23 avril qu’il n’avait « jamais eu l’intention » de limoger Jerome Powell, le patron de la Réserve fédérale. La veille, les marchés financiers s’étaient littéralement effondrés, alertés par une série de menaces répétées visant l’indépendance de la Fed. Le dollar, les actions et même le pétrole ont rebondi après ce soudain revirement, qui ne fait pourtant qu’ajouter à l’instabilité ambiante.
Ce retournement de veste n’est pas anodin. Derrière le calme retrouvé en apparence, ce sont les fondements de la gouvernance économique américaine qui tremblent. En accusant Powell de bloquer la baisse des taux, Trump espérait détourner l’attention d’une inflation galopante nourrie par sa propre politique commerciale. Le coup de pression est désormais public, et les investisseurs comme les économistes n’ont pas oublié la violence des déclarations du président, allant jusqu’à qualifier le président de la Fed « d’immense loser ».
Pourquoi Trump s'en est pris à Powell : les dessous d’un bras de fer politique
Depuis plusieurs semaines, Donald Trump mène une offensive directe contre Jerome Powell, pourtant nommé par ses soins en 2018. Dans son viseur : le refus de la Fed de baisser plus rapidement les taux directeurs, alors que l’économie américaine montre des signes de ralentissement.
Le président cherche à imposer une lecture électoraliste de la politique monétaire : face à la baisse du pouvoir d’achat et au risque de récession, il veut un responsable. Powell est tout désigné.
« Je voudrais qu’il soit un peu plus actif avec son idée de baisser les taux », a-t-il justifié en conférence de presse, niant toute velléité de limogeage, malgré des publications virulentes sur son réseau Truth Social.
Derrière cette attaque, une manœuvre stratégique : faire porter à Powell le poids de la dégradation économique attendue, alors que les hausses de droits de douane imposées par Trump risquent de relancer l’inflation.
Wall Street rassurée, mais pour combien de temps ?
Le retour au calme a été immédiat. Dès l’annonce du retrait des menaces contre Powell, les marchés asiatiques ont rebondi : le Nikkei a gagné 1,7 %, la Bourse de Séoul 1,4 %. L’indice MSCI Asie-Pacifique hors Japon a pris 1,9 %.
À Wall Street, les contrats à terme du S&P 500 ont bondi de 1,4 %, ceux du Nasdaq de 1,7 %. Même Tesla, pourtant en difficulté sur ses résultats, a pris 5 % après la cloche.
« Ce qui était un fort sentiment de 'vendre l’Amérique' hier s’est en partie inversé », a résumé Chris Weston, analyste chez Pepperstone.
Le dollar, lui aussi, s’est repris : +0,2 % face au yen, +0,4 % face au franc suisse. Le pétrole n’est pas en reste, avec un Brent à 68,04 dollars le baril. L’or a reculé de 1,2 %, victime de prises de bénéfices.
Mais ces signaux positifs ne doivent pas masquer la nervosité sous-jacente : les rendements des bons du Trésor à 30 ans ont chuté de 8 points de base, preuve que les investisseurs restent inquiets sur la stabilité à long terme.
Jerome Powell, l’homme calme au cœur de la tempête
Méconnu du grand public, Jerome Powell n’est pas un banquier central comme les autres. Ancien avocat à Wall Street, passé par le Carlyle Group, ce républicain modéré n’a ni doctorat en économie, ni profil académique.
C’est pourtant lui que Trump avait choisi en 2018 pour diriger la Fed. Reconduit par Joe Biden en 2022, Powell symbolise l’indépendance de la banque centrale face aux turbulences politiques. Son style sobre, parfois perçu comme ennuyeux, tranche avec les outrances du président américain.
« Même la BCE baisse ses taux », lançait Trump, comme pour appuyer l’argument selon lequel Powell serait devenu un obstacle à la relance.
Mais ce dernier a résisté. Et pour cause : céder trop vite aurait pu compromettre la crédibilité monétaire des États-Unis et accélérer la hausse des taux d’intérêt exigés par les marchés pour financer la dette colossale du pays.
En s’en prenant à Powell, Trump a touché à une ligne rouge institutionnelle. Et même s’il recule aujourd’hui, la guerre d’influence entre la Maison-Blanche et la Fed ne fait sans doute que commencer.
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