Depuis ce matin du 4 avril, les indicateurs pétroliers virent au rouge vif. Le cours du Brent recule de 6% ce vendredi, atteignant des niveaux jamais vus depuis 2021. À Londres comme à New York, les places boursières observent avec stupeur une hémorragie brutale des actions des majors pétrolières, mettant fin à une stabilité apparente qui semblait acquise en ce début de printemps.
En coulisses, deux raisons alimentent ce séisme. D’un côté, la décision de Donald Trump d’imposer de nouveaux droits de douane, jusqu’à 10 % sur toutes les importations, réveille le spectre d’une guerre commerciale mondiale. De l’autre, l’OPEP+ a annoncé une augmentation plus importante que prévu de sa production de brut, relâchant jusqu’à 411 000 barils supplémentaires par jour sur le marché à partir de mai. Une combinaison explosive, qui a aussitôt fait plonger les investisseurs dans le doute.
Les marchés pétroliers sous pression : ce que disent les chiffres
La réaction a été immédiate sur les marchés financiers. ExxonMobil a perdu 1,7 %, Chevron 1,5 %, tandis que Occidental Petroleum, Permian Resources ou encore Halliburton ont vu leur valeur fondre entre 1,2 % et 2,6 %. Même son de cloche du côté des géants européens : BP recule de 5 %, Shell de 6%, et l’ensemble de l’indice sectoriel européen .SXEP décroche d’environ 5,5 %.
Du côté des analystes, le constat est limpide. ING souligne que l’augmentation de l’offre par l’OPEP+ risque de creuser l’écart entre le Brent et le Dubaï, deux indices normalement proches. Or, cette dynamique pourrait accentuer la pression sur les prix du brut au niveau mondial, d’autant que l’offre dépasse désormais largement la demande.
Un point soulève également l’inquiétude : la conférence de presse tenue par Donald Trump mercredi après-midi, qu’il a baptisée « Jour des libérations », a déclenché une onde de choc. Malgré l’exclusion temporaire du pétrole et du gaz des nouveaux tarifs, l’annonce a suffi à raviver les tensions commerciales et à faire chuter la confiance des investisseurs.
Pourquoi cette baisse pourrait durer (et inquiéter)
Les économistes redoutent un emballement durable. Car si les matières premières sont souvent sensibles aux effets d’annonce, les répercussions actuelles semblent s’inscrire dans un mouvement structurel plus profond. La hausse de l’offre, combinée à la perspective d’un ralentissement de la demande mondiale à cause des conflits commerciaux, pourrait maintenir les prix sous pression durant plusieurs semaines.
Un analyste du secteur souligne : « Ce que nous voyons, ce n’est pas juste une réaction à chaud, mais une reconfiguration potentielle du marché pétrolier mondial. L’excédent pourrait s’installer, et avec lui, une instabilité chronique des cours. »
À court terme, les entreprises du secteur pétrolier — déjà fragilisées par des années de volatilité post-Covid — voient leur rentabilité menacée. Les budgets d’exploration, les projets de développement et les investissements dans la transition énergétique risquent d’être revus à la baisse.
Quelles conséquences pour les consommateurs et l’économie ?
Si les marchés boursiers tanguent, l’impact ne se limite pas aux grandes entreprises. Une baisse prolongée des prix du pétrole pourrait, dans un premier temps, alléger la facture énergétique des ménages, en particulier via la baisse du prix des carburants. Mais à moyen terme, l'effet boomerang pourrait être sévère : recul des investissements, suppression d’emplois dans le secteur énergétique, ralentissement économique dans les régions dépendantes de l’activité pétrolière…
Les effets secondaires de la stratégie de Donald Trump se font déjà sentir. Si son objectif affiché est de stimuler l’industrie américaine, cette politique agressive pourrait à l’inverse ralentir la croissance, provoquer des tensions sur les prix à la consommation et tendre un peu plus les relations diplomatiques avec les partenaires stratégiques des États-Unis.
© AbcBourse.com. Tous droits réservés