Donald Trump peut tempêter, tweeter, s’agacer, rien n’y fait. Pour la troisième fois depuis son retour à la Maison Blanche, la Réserve fédérale s’apprête à ignorer les pressions de la présidence. Réunis les 6 et 7 mai à Washington, les membres du comité de politique monétaire devraient reconduire les taux directeurs dans leur fourchette actuelle de 4,25 % à 4,50 %. Et ce, malgré une croissance américaine en perte de vitesse et une inflation qui grignote le pouvoir d’achat.
En cause, une guerre commerciale tous azimuts relancée par Trump avec des surtaxes douanières généralisées, y compris sur des produits du quotidien comme le cacao. Un contexte qui fragilise l’économie américaine et pousse les experts à anticiper une possible récession. Mais selon la Fed, céder aujourd’hui à la panique serait envoyer un mauvais signal aux marchés. L’institution campe donc sur sa ligne, quitte à s’attirer les foudres présidentielles.
La Fed résiste face aux critiques virulentes de Trump
« Immense loser », « il est temps qu’il parte »… Ces derniers jours, le président Trump n’a pas mâché ses mots à l’encontre de Jerome Powell, président de la Fed. Il exige une baisse immédiate des taux, accusant l’institution de freiner la croissance alors qu’il affirme qu’il n’y a « PAS D’INFLATION ». Pourtant, les données officielles indiquent une inflation à 2,3 % en mars et un chômage à 4,2 % en avril.
Si la Fed tient bon, c’est aussi pour préserver sa crédibilité. « Si la Fed baisse les taux maintenant, cela veut dire qu’ils sont inquiets, et ce sera pire », explique une économiste. Même son de cloche chez Loretta Mester, ancienne responsable de la Fed de Cleveland, qui estime que maintenir les taux est « la bonne chose à faire », quitte à les ajuster plus tard.
Le risque, c’est la politisation croissante de la banque centrale. Même si Trump ne peut révoquer Powell avant 2026, la pression pourrait s’intensifier. Les investisseurs, eux, exigent déjà des primes de risque plus élevées sur les obligations, preuve d’une confiance fragilisée dans la politique monétaire américaine.
Des signaux économiques en dégradation rapide
Derrière la stabilité apparente des taux, les signaux d’alerte s’accumulent. Les prévisions de croissance pour 2025 ont été drastiquement revues à la baisse : de 2,2 % à 1,4 %. Les droits de douane, assimilables à une taxe sur les consommateurs américains, minent le revenu disponible des ménages. L’enquête de l’université du Michigan indique un moral des consommateurs au plus bas depuis les années 1980, avec des anticipations d’inflation en forte hausse.
Michael Krautzberger, directeur des investissements obligataires chez AllianzGI, redoute une dégradation brutale de l’activité si la situation perdure : « Si les entreprises interrompent leur production et que les pertes d’emploi s’accumulent, le ralentissement cyclique risque de s’auto-alimenter. »
Ce climat d’incertitude commence déjà à affecter les intentions d’embauche et d’investissement. À mesure que la confiance se délite, l’économie réelle pourrait suivre, confirmant les pires craintes des marchés.
Vers des baisses de taux plus tard en 2025 ?
Les marchés ne croient pas à une baisse des taux dès mai, mais misent déjà sur quatre allègements monétaires d’ici la fin de l’année. Selon AllianzGI, si la politique tarifaire reste inchangée et que les perspectives de croissance se détériorent, la Fed n’aura pas d’autre choix que d’assouplir sa politique d’ici quelques mois.
En attendant, la prudence reste de mise. La Fed cherche à temporiser, évaluer les effets réels des hausses de tarifs douaniers et éviter tout mouvement qui pourrait déclencher un vent de panique. Mais si l’économie américaine flanche plus vite que prévu, le cycle de baisse pourrait démarrer bien plus tôt que prévu.
Face à ce contexte explosif, les gestionnaires d’actifs préfèrent jouer la sécurité : favoriser la pentification de la courbe des taux et adopter des positions courtes sur le dollar. L’attentisme de la Fed, lui, pourrait bien être mis à rude épreuve dans les mois à venir.
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