Ce jeudi 17 avril, Christine Lagarde a annoncé une nouvelle baisse de ses trois taux directeurs d’un quart de point, effective dès le 23 avril. Une décision loin d’être symbolique : elle marque la septième réduction consécutive du loyer de l’argent dans la zone euro, confirmant l’ancrage d’une stratégie d’assouplissement face à un ralentissement bien réel.
Depuis plusieurs semaines, les signaux étaient clairs : l’impact de la guerre commerciale orchestrée par Donald Trump dépasse largement les projections initiales. Aux espoirs suscités par les efforts budgétaires allemands ou le regain d’investissement militaire européen, s’est substituée une crainte tenace de récession. Un constat partagé par la BCE, contrainte d’agir en l’absence de garanties sur la stabilité économique à court terme.
Pourquoi la BCE a changé de cap plus tôt que prévu
Initialement, la BCE envisageait une pause dans sa politique de baisse des taux, le temps d’évaluer les effets de ses six précédentes décisions. Mais l’aggravation du climat international a précipité les choses. Selon Alexandre Stott, économiste Europe chez Goldman Sachs, les pertes potentielles liées à la guerre commerciale pourraient atteindre 1 point de croissance pour la zone euro, bien au-delà des 0,3 à 0,5 point anticipés jusqu’ici.
Le ralentissement de l’économie européenne est désormais plus qu’un simple scénario défensif : c’est une trajectoire. La BCE ne peut plus se permettre d’attendre. En réduisant le taux de dépôt à 2,25 %, celui de la facilité de refinancement à 2,50 % et le taux de prêt marginal à 2,65 %, elle cherche à préserver un minimum de dynamisme. Et surtout à éviter la spirale négative qu’une contraction américaine pourrait engendrer par effet domino.
L’inflation sous contrôle, un feu vert pour assouplir
La fenêtre d’action de la BCE tient aussi à un facteur crucial : l’inflation ne s’emballe pas. En mars, la hausse des prix à la consommation s’est limitée à 2,2 % sur un an, un niveau très proche de l’objectif de 2 % fixé par l’institution. Pour l’instant, les craintes de flambée inflationniste sont contenues.
Deux scénarios auraient pu bouleverser ce fragile équilibre : une réaction douanière forte de l’Union européenne face aux États-Unis, ou une chute de l’euro face au dollar. Or ni l’un ni l’autre ne s’est matérialisé. Bruxelles joue la carte de la modération, et la monnaie unique s’est au contraire appréciée de 5,3 % depuis le 1er avril, réduisant mécaniquement le coût des importations libellées en dollars. À commencer par le pétrole, qui affiche une baisse de 16,6 % en euros, selon l’économiste Felix Feather chez Aberdeen.
Une huitième baisse des taux en ligne de mire ?
Le calendrier monétaire est désormais clair. Tous les regards sont tournés vers la réunion de juin, moment où les projections économiques de la BCE seront mises à jour. Les marchés anticipent déjà une nouvelle baisse, qui ramènerait le taux de dépôt à 2 %. Et certains analystes évoquent des scénarios encore plus poussés, avec un taux plancher à 1,5 % voire 1,25 % si la situation venait à empirer.
Christine Lagarde, attendue à 14h45 pour une conférence de presse, devrait adopter un ton mesuré, à la fois pour éviter d’alarmer les marchés, et pour garder la main sur une politique monétaire devenue l’un des derniers outils de soutien conjoncturel en Europe.
© AbcBourse.com. Tous droits réservés