Ce début de récession aux USA peut sembler pour le moment
paradoxal :
D'un coté on a une crise déjà très puissante sur l'immobilier et le secteur
financier, qui est déjà la plus importante des 40 dernières années, tout en
sachant qu'on est encore loin du point bas. De l'autre côté, la contagion à
l'économie réelle, en particulier aux secteurs clés que sont la consommation et
l'expansion du crédit existe, mais reste pour le moment très modérée.
Voyons cela plus en détail :
Pour l'immobilier, ce graphique sur les mises en chantiers de logements
individuels situe bien l'ampleur de la crise, qui devrait dépasser largement
tout ce qui a été observé depuis l'après-guerre.
Les prix suivent à présent le mouvement, avec un déclin sur
l'indice des prix Case-Shiller qui dépasse les 10% en rythme annuel et
s'accélère chaque mois.
Les stocks de logements à vendre continuent à progresser, il n'y a donc aucune
amélioration à attendre, au contraire : avec des invendus qui s'accumulent, et
des ventes forcées sur saisies immobilières qui saturent le marché, les vendeurs
vont devoir baisser les prix encore plus vite.
Côté financier, les pertes officiellement reconnues s'élèvent déjà à 232 milliards de $. Et une estimation de Goldman Sachs prévoit qu'elles dépasseront 1200 milliards de $ (plus de 8% du PIB US). Il y a moins d'un an, les estimations de ces mêmes pertes allaient de 30 à 100 milliards au maximum, ce qui en dit long sur les capacités des experts à prévoir l'ampleur de la crise en cours !
En face de ces deux crises très sévères (immobilier et finances), les ménages parviennent encore à augmenter leur endettement : l'expansion est moins rapide depuis 2007, mais continue, à un rythme de 7% par an.
La consommation des ménages commence à être touchée, avec des ventes au détail qui reculent légèrement en monnaie constante et viennent de passer sous la barre du 0 depuis le début 2008 :
Mais nous sommes encore loin d'une situation de récession
sévère. Les magasins continuent de présenter des ventes assez soutenues, comme
le montre le dernier point de shoppertrack, qui signale une hausse des ventes de
6,4% pour les 3 premières semaines de mars, aidées cependant par les fêtes de
Pâques.
Cette situation paradoxale conduit évidemment une majorité d'experts à prévoir
une "mild recession", c'est à dire une récession douce, qui durerait quelques
mois avant une reprise économique dès le second semestre 2008.
Mon analyse est évidemment totalement opposée, la récession
actuelle est effectivement légère...comme elle l'était au 1er semestre 1930,
juste avant la grande dépression qui a sévi de fin 1930 au début 1932. Il ne
faut pas croire aux miracles, et notamment que 20 ans d'excès et d'expansion
anarchique du crédit vont être corrigés par une mini-récession de quelques
mois...cela n'a aucun sens !
Les experts ont nié l'existence de la crise et la récession en 2007...à présent
ils la minimisent comme attendu. Mais la vraie dégradation est déjà en
préparation :
La confiance des consommateurs a touché un plus bas de 35 ans au niveau des
anticipations, en passant sous la barre des 50 et le consommateur a de plus en
plus de mal à maintenir son train de vie, avec des défaillances sur le crédit à
la consommation qui augmentent rapidement.
Il ne faut donc pas se tromper sur le rebond actuel des
marchés... Il pourrait durer encore éventuellement quelques semaines, et amener
le CAC dans la zone des 5100-5200 et l'eurostoxx vers 3900 points. Nous
entendrons alors sans doute fleurir les analyses sur le thème "le pire est
derrière nous", "les décisions de la FED commencent à produire leurs effets".
En réalité, ce rebond devrait offrir une dernière porte de sortie aux
retardataires qui n'ont pas encore vendu, et une opportunité sans précédent pour
prendre des positions baissières sur la baisse des marchés à venir. La vraie
crise, qui ne sera pas une "mild-recession" commencera quand l'expansion du
crédit prendra fin...Et c'est probablement pour très bientôt !