Sauf que cette place est relativement fictive, lorsqu’on regarde les chiffres d’un peu plus près. En effet, les flux d’investissement comptabilisent aussi bien des apports en capitaux que des prêts croisés « intragroupe ». En retraitant ses statistiques pour tenir compte des transferts « intragroupe », la Banque de France découvre que les investissements étrangers en France sont négatifs de 4,3 milliards d’euros (ils étaient positifs en 2008, avec 11,7 milliards). Celle-ci déclare alors que « les investissements directs étrangers se situent au niveau le plus faible de la dernière décennie ». Ces chiffres font désordre, surtout après les déclarations d’Ernst & Young, début juin, indiquant que « la France avait maintenu son rang de deuxième site d’implantation en Europe » en termes de « projets d’investissement ».
Ainsi, si d’aventure la famille Bettencourt décidait, à la suite de l’acharnement médiatique de vendre l’Oréal à Nestlé, cela aboutirait comptablement à augmenter le montant des investissements étrangers en France alors que le résultat économique serait probablement inverse : risque de destruction de postes de travail par transfert d’emplois de fonctionnels (siège social) en Suisse et, pour peu que les Bettencourt choisissent l’exil fiscal, pour mettre fin aux « persécutions » diverses, manque à gagner pour l’économie française correspondant au prix de vente des actions l’Oréal, dont le montant ainsi serait « expatrié ».
Pour résumer, on peut penser que nos dirigeants auraient tort de pavoiser, en matière d’attractivité du site « France ». Certes, notre pays possède des atouts à faire valoir (qualité de la main d’œuvre et des infrastructures, localisation géographique intéressante, 65 millions de consommateurs, environ). Mais, cela ne suffira pas à l’avenir, à garder une certaine prééminence face à la concurrence féroce de nos partenaires industriels, si nous ne nous attaquons pas à nos handicaps : coût élevé du travail, bureaucratie, fiscalité changeante, ralentissement de l’effort d’innovation, etc. Dans un pays où le taux de chômage continue à dépasser les 9%, il n’est pas permis de faire l’impasse sur les investissements étrangers.
Bernard MAROIS
Professeur Emérite HEC Paris
Président Club Finance HEC