A 8h précise hier (heure de la Cote Est des US), Waren Buffett a mis sur le site Berkshire Hathaway sa tant attendue lettre annuelle aux actionnaires.
Pour ceux qui découvrent Warren Buffett et Berkshire ici, je vais résumer en disant que c'est le plus gros holding de participations sur la planète, possédant et gérant en direct 80 entreprises dans des secteurs très variés (assurances, transports, énergie, textile, distribution de meubles, de bijoux, de bonbons et chocolats, de bijoux, etc) et un portefeuille boursier de plusieurs dizaines de milliards de $ avec des participations très importantes dans de grandes multinationales telles que Coca Cola, American Express, Procter & Gamble, etc.
L'homme qui l'a constitué - Warren Buffett - est considéré comme une légende vivante aux US, réputation justifiée puisque la valeur de son groupe est passée de 19$ et 78,000$ en 44 ans, soit une progression de x4000 environ...
Dans un style très caractéristique, humilité, décontraction et nombreuses pointes, voici un petit résumé des quelques points clés que j'ai noté :
- Au niveau des performances, 2008 fut la pire année pour Berkshire Hathaway qui existe depuis 44 ans, avec notamment une "net book value" en baisse de près de 10%. Pour mettre en contexte, il faut aussi se rappeler que 2008 fut la 2ème pire année de l'histoire pour la Bourse américaine.
- Il reconnaît avoir fait de grosses erreurs, comme par exemple l'achat du titre Conoco au plus mauvais moment, juste avant que le pétrole s'écroule, ce qu'il n'avait pas anticipé. Cela lui a coûté plusieurs milliards de dollars. je cite : "during 2008 I did some dumb things in investments. I made at least one major mistake of commission and several lesser ones that also hurt".
- Par contre, avec toute sa sérénité, il n'est pas vraiment préoccupé par la chute des cours, au contraire : "...the market value of the bonds and stocks that we continue to hold suffered a significant decline along with the general market. This does not bother Charlie and me. Indeed, we enjoy such price declines if we have funds available to increase our positions. Long ago, Ben Graham taught me that “Price is what you pay; value is what you get. Whether we’re talking about socks or stocks, I like buying quality merchandise when it is marked down".
- Il reste optimiste sur le long terme, expliquant que depuis l'existence de Berkshire le S&P avait finit en croissance les 3/4 des années, et il n'y a pas de raison que ce ratio change sur les 44 prochaines années. Le système économique américain a vu d'autres crises encore plus difficiles et s'en est toujours remis. Mais sur le court terme, les problèmes économiques vont continuer durant tout 2009 et au delà. Ce qui, dit-il, ne présume pas de ce que fera la Bourse.
- Warren Buffet et Berkshire ont 4 objectifs principaux, très simples : 1) Avoir un bilan financier extrêmement solide "Gibraltar-like" avec beaucoup de liquidités, peu d'obligations court terme et de nombreuses sources de revenus de provenance variée. 2) Consolider l'avantage concurrentiel des business dans lesquels opère en direct la société (voir tout en bas). 3) Acquérir et développer de nouvelles sources de revenus. 4) Etendre et nourrir le vivier de top managers. J'aime vraiment beaucoup cette mission statement !
- Avoir beaucoup de cash est très important pour Berkshire : non seulement pour investir, mais aussi pour se sentir libre et en sécurité. Je cite : "however, I have pledged -- to you, the rating agencies and myself -- to always run Berkshire with more than ample cash. We never want to count on the kindness of strangers in order to meet tomorrow's obligations". Il peut le dire avec d'autant plus de légitimité (voire d'ironie) qu'il a lui-même récemment prêté des milliards à General Electric, Goldman Sachs et d'autres qui étaient récemment dans la mouise (vu justement leur endettement), avec d'incroyables rendements fixes de 10 à 14% !
- Quelques piques au passage au "Private Equity" et au LBOs : Warren explique que Berkshire doit être le "buyer of choice" pour les sociétés, notamment familiales, parce que contrairement au Private Equity une société pour eux n'est pas une marchandise et qu'ils n'ont pas un système malsain ou dangereux (la, c'est moi qui interpète quand il dit "their cherished fee structures and love of leverage."
- Les activités d'assurance sont le coeur et le moteur du système Berkshire. Warren Buffett explique avec beaucoup de simplicité et d'humour que, puisqu'elles sont rentables, Berkshire est factuellement payé pour collecter du cash (les primes) qu'il peut après investir ailleurs ! Fin 2008, l'assurance de Berkshire fournissait environ 60Mds$ disponible en investissement !
- Au sujet du point 3. ci-dessus (acquérir et développer de nouvelles sources de revenus), je note la forte montée en charge des activités à génération de cash stable dans l'énergie (MidAmerican), les transports (Burlington Northern) mais aussi le fixed income (prêts à GE, Goldman Sachs, etc). Le moteur de génération de liquidités s'étend et se diversifie !
- Peu de personnes assument d'ailleurs leur statut de capitaliste avec autant de décontraction ! Warren intitule lui-même la prochaine Assemblée Générale de Berkshire, le 2 mai prochain, comme "le Woodstock du capitalisme" ! Si vous hésitez entre un week-end à Disneyland et un pélerinage à Omaha dans le Nebraska (autrement dit, in the middle of nowhere)...Warren précise que les visiteurs étrangers auront droit à un traitement spécial et une réception rien que pour eux !
Si vous avez un horizon d'investissement de 30 ou 40 ans, et que vous ne voulez pas vous casser la tête à investir en direct, il est probable qu'investir un peu sur Berkshire Hathaway est un "safe bet". Certes, Warren ne sera plus là, mais j'ai fondamentalement confiance dans d'une part le "système Berkshire" (un générateur permanent de liquidités via notamment de très solides activités d'assurance, mais aussi également maintenant via les prêts à taux garantis et les activités dans l'énergie et les transports) et d'autre part dans la grande qualité intrinsèque des business que possède Berkshire (en totalité ou partiellement, ie Coca Cola, Procter, etc).
Je répète à ce sujet une règle fondamentale de l'investissement long terme : ce qui compte avant tout, c'est l'avantage concurrentiel d'une société et sa pérennité, et c'est bien sur ce point que se focalise Warren Buffett quand il achète une société.
Et, pour finir sur Berskhire, je note l'importance sur laquelle insiste Warren Buffet d'une "low cost structure" qui donne un avantage concurrentiel majeur et pérenne.
Michel de Guilhermier (son blog)