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Le point sur la bulle du crédit aux USA et en Europe

Par Loïc Abadie;

loic abadie

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Voici un point sur ce qui est à l'origine de la crise que nous connaissons, c'est à dire la bulle de crédit géante générée par les plans de relance à répétition associés aux politiques keynésiennes et aux états boulimiques de la plupart des pays riches :

Aux USA (statistique Z1 de la FED), la masse de dette atteint désormais 52592 milliards de $, ce qui représente la somme intéressante de 700 000$ par ménage standard (un couple avec deux enfants), ou encore 370% du PIB US (le pic associé à la crise de 1929 était de 160% environ en début de crise, et un peu plus de 260% après 3 ans de crise à cause de l'effondrement du PIB associé).

Plus en détail, voici l'évolution de la dette selon les différents secteurs aux USA :
 
secteur Evolution sur les 3 derniers mois (exprimée en rythme annualisé)
total 5,81%
institutions financières 7,21%
ménages -2,19%
états (*) 38,69%
sociétés non financières (entreprises) 2,78%

La croissance du crédit a ralenti (+5,8%) sans s'arrêter, mais comme au trimestre précédent, c'est l'état qui a fait l'essentiel, sans réussir à relancer le crédit chez les ménages, malgré sa fuite en avant tout à fait exemplaire et caractéristique d'une politique keynésienne parfaitement appliquée.
Les institutions financières ont également augmenté leur endettement (+7,2%)

Un des aspects fondamentaux d'une économie artificielle reposant sur le crédit est que comme pour un drogué, elle a besoin de stimulations toujours plus fortes pour se maintenir à flot : Les plans de relance étatiques ont en apparence une certaine efficacité dans un premier temps et semblent raisonnables en terme de coût. Puis il faut augmenter  sans cesse les doses de dette parce que le consommateur devient de plus en plus équipé et a de moins en moins d'appétit de consommation.

En 1983, il fallait 1,63 $ de dette nouvelle pour obtenir 1$ de croissance du PIB.
En 1997, il fallait 3,08$.
En 2007, il fallait 6,86$ pour obtenir ce même $ de croissance.


 
Croissance du PIB (milliards de $) Croissance de la dette (milliards de $) $ de dette supplémentaire pour obtenir 1$ de croissance du PIB
1983 427 694,6 1,63
1997 473 1457 3,08
2007 640 4394 6,86

(données : FED)

Ceux qui prétendent aujourd'hui "relancer le crédit" n'ont pas compris une chose essentielle : La quantité de dette qu'ils devront "injecter" pour obtenir le $ de croissance supplémentaire croit de façon exponentielle, jusqu'à la rupture (*)  (qui est en train de se produire en ce moment).

Cette évolution fait qu'un simple ralentissement de la croissance de la dette est à présent suffisant pour provoquer une catastrophe, vu qu'on sort du schéma exponentiel : même si on parvenait à "effacer l'ardoise" miraculeusement, l'économie ne repartirait pas (tant que l'on ne voudra pas sortir des schémas passés basés sur le crédit) parce qu'il faudrait pour cela retrouver une croissance de la dette encore plus forte qu'au cours des années 2000 (en monnaie constante !).

En Europe maintenant, selon les données de la BCE, la situation n'est pas tout à fait la même, puisque le crédit a commencé à se contracter sur les 3 derniers mois (octobre à janvier). Il faut être prudent sur l'interprétation des données de la BCE qui sont moins complètes que celles des USA (en particulier sur les dettes gouvernementales), mais la différence est sensible, surtout en ce qui concerne les institutions financières.

secteur Evolution sur les 3 derniers mois (exprimée en rythme annualisé)
Institutions financières -15,56%
Ménages -3,19%
Etats (*) 2,33%
Sociétés non financières (entreprises) 5,24%
Evolution globale -5,77%

La politique européenne a été un peu moins interventionniste que celle des USA, sans doute parce que la marge de manoeuvre disponible en Europe est moins grande qu'aux USA (les états européens partant en moyenne de plus haut en terme d'endettement public, et les taux des emprunts d'état y étant plus élevés).

Les déclarations de beaucoup de dirigeants ne montrent aucune prise de conscience de la réalité : On continue à croire que le crédit pourra être relancé à l'infini, et on s'occupe comme on peut à chercher des boucs émissaires :

Nous avons eu droit à un flot de déclarations sur le thèmes des paradis fiscaux, des stock-options et bonus de divers patrons, du bouclier fiscal...etc.
Je ne soutiens évidemment pas le blanchiment d'argent ou le versement de récompenses à des dirigeants qui ont mis leur société en faillite. Sans doute que ces problèmes doivent être débattus, mais focaliser le débat sur des détails insignifiants comme les stock-options, les bonus de hauts cadres bancaires (qui ne représentent même pas 0,1% des sommes en jeu dans la crise actuelle), ou quelques textes règlementant certaines activités financières permet surtout de donner l'impression d'agir, tout en évitant de parler du vrai problème qui est de passer d'un modèle économique artificiel basé sur  une croissance exponentielle de la dette à un autre modèle économique basé sur une croissance saine où la dette ne progresse pas plus vite que la production de richesses réelles.

* Petite précision qui me semble indispensable par les temps "populistes" qui courent : par le mot "rupture", je n'entends évidemment pas "fin de l'économie de marché" (certains intellectuels issus d'une autre génération et vivant dans leur petite bulle soixante-huitarde en rêvent depuis 30 ou 40 ans).
Bien au contraire, cette rupture (les grandes crises sont l'occasion de grands changements de tendance) signifie sans doute la fin d'une tendance à l'expansion incessante du poids des états dans nos économies et de plans de relance caractérisés par des dépenses publiques toujours plus grandes. Ces états n'ont aujourd'hui plus les moyens de leurs ambitions.

Désolé pour ceux qui pourchassent un "néo-libéralisme" imaginaire (à coup de slogans et de jolis discours creux ne contenant pas la moindre preuve chiffrée pour étayer leurs dires), mais les faits et les chiffres sont implacables, nous vivons bien actuellement dans des économies plus étatisées que jamais...à une notable exception près, la Chine, dont le poids de l'état est passé de 90% à moins de 40% au cours des dernières décennies, et qui a "comme par hasard" réalisé la plus forte expansion économique de toutes les grandes économies.


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